La ville d’Oulan Bator : temoignage

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La ville d’Oulan Bator : temoignage

 

La ville d’Oulan Bator vue par un canadien :

 

(Oulan-Bator, Mongolie) L’air pur, la yourte plantée au milieu de nulle part, l’éleveur à cheval dirigeant son troupeau dans la steppe sans fin: ne cherchez pas le romantisme de la vie nomade mongole à Oulan-Bator, il ne s’y trouve pas. En revanche, le voyageur qui a le courage (ou l’obligation) de s’attarder dans la capitale polluée ne regrettera pas son plongeon dans les profondeurs de la fascinante culture mongole, entre bouddhisme, nomadisme, et… heavy metal.

Texte : Frédérick Lavoie

Avant d’entrer dans une yourte, l’habitation ronde traditionnelle des nomades, on ne frappe pas. En campagne, comme en ville. La pratique peut être déroutante pour l’étranger, habitué au respect de la vie privée. Mais dans les faubourgs poussiéreux d’Oulan-Bator, où à perte de vue s’étendent à flanc de colline les milliers de yourtes des exilés ruraux, il n’y a rien de plus normal que d’entrer chez un inconnu sans s’annoncer pour y boire un thé au lait salé.

Ne vous attendez pas aux grandes effusions de politesse et de chaleur humaine qu’on retrouve dans d’autres pays à l’hospitalité débordante. Habitués à l’autosuffisance et à l’indépendance de la vie nomade, les Mongols vous accueillent dans leur humble demeure en vous présentant un tabouret, des friandises et du thé… avant de retourner vaquer à leurs occupations, jusqu’à ce que vous entamiez la discussion, malheureusement limitée par la barrière langagière.

Détrompez-vous. Vous êtes le bienvenu, vous ne dérangez pas. Sentez-vous comme chez vous. Vraiment. Non pas comme un invité, mais comme un membre de la famille, en aidant un peu, comme les autres.

Et puis l’heure du départ arrive. Pas de déchirante séparation. Vous repartez comme vous êtes arrivé, après les brèves salutations d’usage. Sans fausse promesse de retour.

En ressortant de la yourte, le choc est brutal. Vous n’êtes pas au milieu de la campagne, comme vous auriez pu le croire à voir la vache qui broute les rares herbes sur la terre aride. Vous êtes en pleine ville.

Pour conserver l’intimité offerte par la steppe infinie, les nomades sédentarisés ont, paradoxalement, tous clôturé leur terrain. Chacun habite dans son petit monde, limitant la vie de quartier aux échanges commerciaux. Étonnant, dans une société dominée par la pauvreté, que la solidarité de voisinage arrive si difficilement à se trouver une niche.

Capitalisme mongol

Retour au centre-ville, place Suükhbaatar, la place principale. Les yourtes ont cédé la place aux imposants édifices grisâtres. Le grand édifice vitré en face de vous semble sorti tout droit de Dubaï. En fait, il est surtout le symbole des petits échecs du capitalisme mongol. Presque terminé, il reste inoccupé et devra être démoli, en raison d’un problème de fondations.

Durant des siècles, les nomades ont vécu sans capitale fixe. Jusqu’à ce que les communistes, au pouvoir pendant plus de six décennies, lancent une première vraie vague d’urbanisation, sous l’influence du grand frère soviétique. En ne prenant pour critère que la beauté du paysage urbain, difficile de dire qu’ils ont réussi…

L’arrivée du capitalisme en 1990 aura vu l’éclosion de plusieurs petits commerces, et même de cafés et restaurants tenus par des Occidentaux, de passage en Mongolie avant d’y prendre femme, donc pays.

Les commerces mongols se spécialisent plutôt dans les produits du cachemire, le poil hivernal des chèvres qui fait la réputation internationale du pays dans l’industrie de la mode.

En vendant le fruit du travail des nomades, ils essaient de faire oublier la pollution de l’avenue de la Paix, artère principale de la ville, où plusieurs citadins se protègent de l’air vicié sous des masques chirurgicaux. Le voyageur, lui, devrait surtout se protéger des voleurs à la tire, dont l’appareil photo de l’auteur de ces lignes a failli être victime, en plein coeur de la ville en après-midi…

 

Passage obligé

Pour la plupart des visiteurs, Oulan-Bator est un passage obligé. Certains y arrivent après un long séjour dans le train transmongolien en partance de Moscou, via la Sibérie. C’est aussi le point de transit pour partir à la découverte de la steppe et de la vie nomade à cheval.

Les touristes convergent également à Oulan-Bator en juillet pour la grande fête nationale de Naadam, durant laquelle les Mongols se mesurent au tir à l’arc, à la course à chevaux et dans des compétitions de lutte mongole, toujours revêtus des costumes traditionnels.

Oulan-Bator est aussi un point de pèlerinage pour certains. Le monastère de Gandan, non loin du centre-ville, devient la porte d’entrée vers l’héritage bouddhiste mongol, en pleine résurgence. Il est l’un des seuls à avoir survécu à la répression de la religion sous le régime communiste.

Sous ses allures de capitale bancale d’un pays en développement, la mentalité libérale d’Oulan-Bator surprend et charme. Les traditions mongoles sont certes importantes, mais elles ne briment pas les aspirations à la modernité de la jeunesse. Lors de notre séjour, nous avons même pu assister à un spectacle de musique heavy metal donné par plusieurs groupes de la scène émergente mongole. C’est pour ce genre de moments de découverte qu’Oulan-Bator, malgré sa laideur et sa saleté de façade, mérite d’être découverte.

 

 

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